DIVIDENDES

Tout ce qu’il faut savoir sur les dividendes en Suisse

Quand un actionnaire est à la fois le gérant de son entreprise, il préfère souvent percevoir un taux élevé de dividende et un bas salaire. La raison en est que le dividende offre un meilleur attrait fiscal. Les donnes vont cependant changer à partir du 1er janvier 2020, car la Confédération augmente la partie imposable du dividende de 10%. Cette augmentation n’est pourtant pas gratuite. Elle est la faible contrepartie de la grande victoire des PME face à une réduction de 20% du taux de l’impôt sur le bénéfice. Ainsi, malgré les hauts et les bas apportés par la Réforme, le système fiscal suisse reste toujours l’un des plus avantageux dans toute l’Europe.

D’où vient la pratique du « Dividende élevé contre un plus bas salaire » ?

Pour leur rémunération, la majorité des entrepreneurs-cadres optent soit pour un dividende uniquement, soit pour un dividende élevé contre un plus bas salaire. Le dividende est, en effet, fiscalement plus favorable par rapport au salaire. L’impôt frappe 100% du montant salarial tandis que le dividende n’est imposable qu’à quasi la moitié de son taux. Cette réduction de l’impôt sur le dividende s’explique par la volonté des cantons de corriger la double imposition.

Le problème de la double imposition

Partout dans le monde, les actionnaires gérants d’entreprises font face à deux impositions économiques :

  • L’impôt sur le bénéfice de l’entreprise :

Cet impôt réduit le montant du bénéfice. L’entreprise va ensuite diviser ce qui reste de l’argent à ses actionnaires pour payer leurs dividendes.

  • L’impôt sur le dividende :

Le dividende déjà réduit, en s’ajoutant aux autres revenus de l’actionnaire, va encore subir un deuxième impôt.

A cette double charge s’ajoute aussi une autre double imposition sur le capital, c’est-à-dire l’impôt sur les fonds propres de la société et l’impôt sur la fortune à titre privé.

Notons qu’en Suisse, la Confédération ne prélève aucun impôt sur le capital, mais il impose 60% du dividende des personnes physiques détenteurs de 10% du capital-actions. Les cantons aussi vont imposer leurs propres taux imposables sur le dividende, ce qui « grignote » encore plus les revenus annuels des actionnaires.

En résumé, les entrepreneurs-cadres doivent payer deux types d’imposition économiques à deux autorités fiscales (fédérale et cantonale) : cela donne en tout une quadruple imposition sur le bénéfice.

La solution à la double imposition

Pour alléger ces multiples impositions, notamment la double imposition économique, la Confédération donne le plein pouvoir aux cantons. Ces derniers ont ainsi la souveraineté de réduire ou non l’impôt sur les dividendes, et d’en fixer leurs propres taux. Tous les cantons ont ainsi pris la décision de ne pas imposer 100% du dividende, mais de le rabattre. Comme chaque canton fixe ses propres barèmes, le taux du dividende imposable varie entre 30% et 80%.

Conséquence de la réduction d’impôt sur le dividende

Ce rabattement sur les dividendes a prototypé le comportement des sociétés, notamment les PME. La plupart préfère rémunérer leurs actionnaires ou associés par des dividendes élevés et, en revanche, maintenir un bas niveau de salaire. Ce sont donc, au final, les salariés des PME qui subissent le coût de la double imposition.

Ce que la RFFA a apporté aux PME

Le 19 mai dernier, le peuple suisse a voté pour la Réforme Fiscale et Financement de l’AVS (RFFA). Cette réforme, en vigueur à partir du 1er janvier 2020, prévoit plusieurs changements radicaux. Nous pouvons en citer l’abolition des privilèges fiscaux des sociétés « holding » ainsi que l’augmentation de l’impôt sur le dividende des personnes physiques actionnaires qualifiés.

Le déséquilibre sur l’imposition des dividendes avant l’adoption de la RFFA

Le système favorise les actionnaires des sociétés de portefeuille (holding). Les statuts spéciaux de leurs entreprises leur permettent déjà de payer un impôt symbolique de 0,02 % à 10% sur le bénéfice. Il leur reste ainsi un large pourcentage à se départager pour les dividendes. Et comme la loi leur interdit toute activité commerciale sur le territoire suisse, ils n’ont donc pas de source de revenus. Les dividendes perçus peuvent ainsi être exonérés à 100%. Les PME, quant à eux, sont taxées de 24% sur les bénéfices, ce qui laisse une marge plus restreinte pour les dividendes.

Les changements apportés par la RFFA à l’imposition sur les dividendes

Avec la récente Réforme Fiscale, toutes les entreprises sont imposées au même taux d’imposition des bénéfices dans un même canton. Les cantons ont ainsi augmenté l’impôt sur le bénéfice des multinationales et rabaissé celui des PME pour arriver à un taux moyen de 14%. Or, les PME constituent les 99,9% des entreprises suisses : réduire leurs impôts représente une perte importante pour la fiscalité.

Pour renflouer la caisse, la Réforme a prévu plusieurs mesures compensatoires. Il en est ainsi de l’augmentation de l’impôt sur les dividendes des personnes physiques qui détiennent au moins 10% du capital-actions (actionnaires qualifiés). A partir de 2020, la Confédération va taxer 70% du dividende reçu et obliger les cantons à ne pas descendre au-dessous de 50% :

Taux du dividende taxable     Au niveau fédéral   Au niveau cantonal
 

Avant le 31 décembre 2019

  • 60% : En cas de détention dans la fortune privée ;
  • 50% : en cas de détention dans la fortune commerciale
Entre 30 et 80%
A partir du 1er janvier 2020       70% (taux unique)         Au moins 50%

L’impôt des actionnaires qualifiés (personnes physiques) ne sera donc calculé qu’à partir des 70% restants du dividende, après un abattement de 30%. La hausse du montant taxable se limite ainsi à 10% (70% – 60% = 10%). Toutefois, cette hausse n’est que la moitié de la réduction de l’impôt sur les bénéfices (24% – 14% = 20%). Si cette légère augmentation de l’imposition des dividendes est la contrepartie d’une réduction significative de l’impôt sur les bénéfices, la RFFA a fait un beau cadeau aux PME.

L’impôt anticipé sur le dividende

La Loi sur l’Impôt Anticipé (LIA) a connu plusieurs modifications au fil des années. La dernière est applicable depuis le 1er janvier 2019. Elle tolère la « négligence » en matière de déclaration de revenus alors que, auparavant, cette erreur ne permettait pas le remboursement de l’impôt anticipé.

L’ « impôt anticipé sur le dividende », c’est quoi ?

L’impôt anticipé sur le dividende est un impôt de garantie prélevé à la source par la Confédération. Son taux s’élève à 35% sur le dividende, versé à l’Administration Fédérale des Contributions (AFC).

En inventant l’impôt anticipé, la Confédération a pour but d’anticiper la fraude fiscale. Les contribuables sont ainsi incités à déclarer « combien » d’argent ils gagnent, et « comment » ils l’ont gagné (provenance des revenus).

Échéance de l’impôt anticipé sur le dividende

La Confédération donne aux entreprises 30 jours après la déclaration fiscale pour verser l’impôt anticipé sur le dividende. Passé ce délai, le retard est sanctionné par une créance fiscale. Cette dernière inclut un intérêt moratoire de 5% ainsi que la possibilité d’une amende de CHF 5’000.

L’impôt anticipé du dividende est remboursable

Les 35% du dividende prélevés par la Confédération seront reconstitués à l’actionnaire : soit déduits sur les impôts cantonaux, soit payés en espèces après une demande de remboursement (sur un formulaire) à déposer directement à l’AFC.

Dans quelles conditions cet impôt est-il remboursé ?

Le remboursement est accordé :

  • aux personnes physiques domiciliées en Suisse, et qui font une régulière déclaration fiscale au niveau cantonal et communal. Ils doivent déclarer leurs revenus et bénéfices grevés de l’impôt anticipé ainsi que leurs sources (les capitaux).
  • Aux personnes morales domiciliées en Suisse, et qui comptabilisent régulièrement les revenus grevés de l’impôt anticipé.

 La loi, devenue plus flexible

Depuis 2011, les procédures de remboursement se sont durcies à un tel point qu’elles détournent l’impôt anticipé de sa fonction primaire. Au lieu de se limiter à anticiper la fraude, il est arrivé à opprimer les contribuables non-fraudeurs avec un extrême taux d’imposition. Dans certains cantons, en guise d’exemple, le taux maximum sur le revenu approche les 50%. Si l’impôt anticipé (35%) n’est pas remboursé, le taux total (50% + 35%) de l’impôt sur le dividende va donc grimper à plus de 80%.

Les PME constituent la majorité des victimes. Il arrive que la valeur de l’entreprise, une fois révisée et corrigée par les autorités fiscales, montre des incohérences avec la déclaration. D’autre part, les actionnaires oublient aussi de déclarer leurs revenus par simple négligence. Toutes ces erreurs éteignent automatiquement le droit au remboursement et les actionnaires perdent ainsi un tiers de leurs revenus.

Face au problème, le Parlement a voté pour une modification de l’article 23 de la Loi sur l’Impôt Anticipé le 28 septembre 2018. Ce projet de loi, approuvée par le peuple au référendum du 17 janvier 2019, entre rétroactivement en vigueur le 1er janvier 2019. Elle stipule que la simple négligence n’est pas un motif de non-remboursement.

Dorénavant, les « erreurs » et « oubli » ci-dessus, à condition qu’ils résultent de la négligence, n’empêchent pas le remboursement de l’impôt anticipé. Cette règlementation rétroactive s’applique aussi aux requêtes faites depuis le 1er janvier 2014, à condition que ces réclamations n’aient déjà fait l’objet d’une décision entrée en force.

Comme l’article 32 de la LIA n’a pas été modifié, les actionnaires concernés disposent toujours de trois ans pour demander la récupération de l’impôt anticipé.

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